Ouvrir une franchise coûtant cher (de 50 000 à 200 000 euros, voire plus), la demande de crédit est un passage quasi obligé. Nos conseils pour convaincre votre banquier.
Créer une entreprise en franchise nécessite une mise de fonds importante. Entre les droits d’entrée dans le réseau, l’aménagement du point de vente, l’achat de matériel, le financement des stocks…
L’investissement moyen oscille entre 50 000 et 200 000 euros. Et peut atteindre des sommes beaucoup plus élevées dans des secteurs comme la restauration, l’hôtellerie ou la grande distribution. Obtenir un crédit bancaire est un passage quasi obligé pour un candidat à la franchise. Mais attention, il va falloir être convaincant et persévérant : cohérence de votre projet, motivations, références, patrimoine, garanties en tout genre, comptes prévisionnels, plan de trésorerie…, tout est passé au crible par le banquier. Vos questions, nos réponses.
- Est-il plus difficile aujourd’hui de décrocher un prêt bancaire?
Si l’on s’en tient au discours officiel des banques, il n’y a pas de « credit crunch » : « Ce sont les entrepreneurs qui s’autocensurent et sollicitent moins de crédits », observe un banquier parisien. La réalité est évidemment plus nuancée. Les projets de franchise, modèle réputé moins risqué que la création d’entreprise ex nihilo, intéressent toujours les banques, mais à condition d’avoir un dossier « en or ». « La concurrence est réelle voire rude entre les banques sur les bons dossiers en franchise », note Florence Soubeyran, responsable du pôle franchise et commerce associé de Banque Populaire. - Un « bon dossier »? Pour un banquier, c’est d’abord l’antériorité du réseau. « Les projets portés par des enseignes plus anciennes ont toujours moins de difficultés à se faire financer que ceux issus de réseaux plus jeunes. Pour ces derniers, les tensions se sont accentuées ces derniers mois. Il faut vraiment que ces derniers affichent des performances rapides et significatives pour que leurs candidats soient audibles par les banques », constate Nathalie Dubiez, une ex-banquière, aujourd’hui associée au sein du cabinet Franchise Management. En fait, lorsqu’une enseigne est référencée par le pôle franchise de l’établissement bancaire sollicité, le futur franchisé a plus de chances de retenir l’attention du financeur car celui-ci dispose de l’historique des performances du réseau. Le secteur est aussi regardé de près. « Certaines activités, par exemple la cigarette électronique, présentent des risques « réputationnels » et des risques de marché que les banques ne sont plus prêtes à prendre aujourd’hui », ajoute-t-elle.
Avant d’accorder le moindre prêt, les banques s’assurent également que le candidat a le profil pour entreprendre. « On évalue, bien sûr, la cohérence entre le parcours et le dossier du demandeur. Mais on s’interroge aussi sur sa bonne compréhension du système de la franchise. Par exemple, un candidat ne doit pas se contenter de l’état du marché national présenté dans le DIP (Document d’information précontractuelle). Il doit le décliner localement en réalisant sa propre étude de marché », insiste Thomas Meli, responsable de la prescription et de la franchise à la Société Générale. « On assiste à une professionnalisation dans le montage des dossiers de demandes de crédit, notamment grâce au renfort des courtiers en financement qui savent mettre en avant les points forts d’un candidat », souligne Nathalie Dubiez. Certains réseaux, comme Repar’stores, ont même négocié un accord tarifaire avec des courtiers. « Moyennant 1000 euros, nos candidats peuvent bénéficier du montage de leur dossier de crédit par un courtier. Il leur en coûtera 1000 euros de plus pour être accompagnés lors de leur rendez-vous avec les banques », détaille Guillaume Varobieff, le cofondateur et dirigeant du réseau Repar’stores.
- Quels chiffres regardent les banques?
Point de salut sans des comptes prévisionnels en « béton » ! A commencer par les projections des comptes de résultat sur trois ans. « Le banquier veut s’assurer que les charges et la dette seront remboursées », explique Nathalie Dubiez de Franchise Management. Ensuite, c’est au tour du plan de financement d’être épluché. Le franchisé doit y détailler, comment il compte financer chaque dépense. « Les banques financent certains besoins dans le cadre d’une création d’entreprise, nous devons donc savoir comment le futur chef d’entreprise fera face à ses investissements, entre son apport personnel et ce que nous prendrons en charge », détaille Thomas Meli. Enfin, les banquiers attendent un plan de trésorerie sérieux afin d’anticiper la situation financière de l’entreprise sur douze mois. Entre les encaissements et les décaissements (salaires, loyers,TVA…), le plan peut être positif ou négatif, peu importe, mais le banquier a besoin de le savoir. - Quid de l’apport personnel?
Le futur franchisé doit apporter entre 30 et 40 % de l’investissement total. 30 % pour un projet dans le commerce, 40 % dans les activités de services. « Pour cette dernière catégorie, il n’y a généralement pas d’acquisition de fonds de commerce donc pas de possibilité pour le banquier de le nantir en garantie du financement. De plus, les investissements étant, pour une part importante, de nature incorporelle (dont le BFR Besoin en fonds de roulement), un niveau d’apport de 40 à 50 % est nécessaire », argumente Florence Soubeyran de Banque Populaire.
L’expérience de Nathalie Dubiez, de Franchise Management, lui fait même dire que « 50 % d’apport personnel, tous secteurs confondus, va devenir la norme ». Une contrainte qui viendrait s’ajouter aux nouvelles règles d’indemnisation de Pôle Emploi. En effet, depuis le 1er juillet 2014, le délai de carence (soit le délai entre l’inscription à Pôle emploi et le début de l’indemnisation) est passé à cent quatre-vingts jours contre soixante-quinze auparavant. Le nouveau mode de calcul du délai de carence ne tient plus compte du salaire journalier de référence mais du montant des indemnités de licenciement « supra-légales » obtenues. Par exemple, si vous percevez 16 200 euros de « supra-légales », vous ne toucherez pas d’allocation-chômage avant cent quatre vingts jours. Soit six mois durant lesquels vous devrez piocher dans vos indemnités pour assurer votre train de vie. Autant d’argent en moins pour constituer la mise de fonds personnelle pour votre projet ! Heureusement, il y a des solutions. « Mais attention, toutes les sources de financement, autres que les dons, représentent des dettes à rembourser. Donc, autant de charges à intégrer au business plan », insiste Nathalie Dubiez.
- Quelles sont les garanties exigées ?
Ne rêvez pas, vous n’obtiendrez pas de crédit sans garanties ! Le nantissement du fonds de commerce est systématiquement demandé par les banques : une convention par laquelle le propriétaire du fonds accepte d’affecter celui-ci au profit du créancier en cas de non-paiement de la dette. Le nantissement porte à la fois sur des éléments incorporels (l’enseigne, le nom commercial, le droit au bail, la clientèle, l’achalandage, etc.) et sur des actifs corporels (mobilier commercial, matériel ou outillage servant à l’exploitation du fonds, etc.).
Deuxième type de sûreté prise par les banques, la caution personnelle. En cas de défaut de paiement, ce document juridique engage une personne physique (le franchisé ou un tiers) à régler les dettes de la société sur son patrimoine personnel. Même s’il ne s’agit pas d’une hypothèque, cette caution peut avoir de lourdes répercussions pour le franchisé et sa famille. Aussi vous devrez chercher à limiter le montant et la durée de la caution. Négociez également une clause stipulant que le créancier s’engage à ne pas poursuivre vos héritiers. Dans l’idéal, même si c’est souvent très compliqué à obtenir, faites en sorte que votre conjoint ne se porte pas caution. Notez tout de même que si vous êtes mariés sous le régime de la communauté et que votre conjoint n’intervient pas dans le contrat de prêt, seuls vos biens et vos revenus propres pourront être saisis.
Enfin, les banques demandent systématiquement une contre-garantie émise par les sociétés de caution mutuelle (France Active, Bpifrance, Socama …). L’émetteur de cette garantie s’engage à payer au créancier un montant déterminé en lieu et place du débiteur. Bpifrance couvre par exemple jusqu’à 70 % du montant des prêts. Attention, cette garantie n’est pas gratuite : comptez une commission pouvant atteindre jusqu’à 0,9 % l’an du capital restant dû. Mais si le prêt est garanti par Bpifrance, les éventuelles cautions personnelles exigées par la banque ne peuvent pas dépasser 50 % de l’encours du prêt.
« Plus que des garanties, ma banque a exigé des sur-garanties »
Pegast, Isabelle Clément, dans sa boutique, 63 rue Pierre Demours à Paris.Pegast, Isabelle Clément, dans sa boutique, 63 rue Pierre Demours à Paris.JPGuilloteau/L’Express
Licenciée économique fin 2012, Isabelle Clément, ex-cadre dans l’hôtellerie et l’événementiel, a envie de créer son entreprise. Novice dans l’entrepreneuriat, elle suit une formation d’un mois à la création d’entreprise (CréActifs) et arpente les salons sur la franchise. Pas cuisinière pour deux sous, elle est pourtant séduite par le concept PeGast, un réseau de sandwicherie haut de gamme. Fin juin 2013, elle signe le bail de son emplacement et doit ouvrir en octobre. Le temps presse pour trouver les 220 000 euros manquants afin de boucler son plan de financement. Forte de ses 30 % d’apport (son épargne et ses indemnités de licenciement), elle démarche 8 banques. Cinq ne prennent pas la peine de lui répondre, ou alors hors délai. Seuls trois établissements la reçoivent. « L’enseigne étant jeune, je me suis fait accompagner du responsable financier du franchiseur. Pendant dix minutes, il a présenté les forces du réseau puis j’ai présenté mon projet », se souvient-elle. La première banque considère son apport personnel trop faible. Les taux d’emprunt de la seconde sont dissuasifs. C’est avec la troisième, le Crédit Mutuel, dont elle est déjà cliente, à titre personnel, qu’elle fait affaire : « Sur le conseil d’un autre franchisé, j’ai démarché une agence dans le quartier de mon futur point de vente et fait intervenir mon conseiller bancaire afin qu’il appuie mon dossier », détaille-t-elle. Stratégie payante. Mais elle a dû montrer plus que patte blanche ; « J’ai dû afficher mon patrimoine, mes avis d’imposition, mes relevés bancaires. Faire appel à un organisme de caution mutuelle et signer une caution personnelle… Je n’appelle plus ça des garanties mais des sur-garanties ! », commente-t-elle. A cela, se sont ajoutés des frais annexes pour le terminal CB (Carte Bleue), pour la tenue du compte courant, etc. « Alors qu’avec la valeur du fonds de commerce, j’étais largement couverte », insiste-t-elle. Usée mais pas abattue, elle ouvre, comme prévu, son restaurant en octobre 2013. Et son premier bilan est à l’équilibre. Régulièrement, elle accueille pour le déjeuner son banquier, installé à trois minutes, de son point de vente. Pratique pour elle, rassurant pour lui.
- Que penser de la « franchise participative » ?
Ce système revient à faire entrer le franchiseur au capital de l’entreprise du franchisé. Même minoritaire et temporaire, cette prise de participation financière du réseau ne fait pas l’unanimité chez les experts. Pour Florence Soubeyran de Banque Populaire, « La franchise participative doit être réservée à des cas exceptionnels et les modalités de sortie du franchiseur clairement établies dans le temps via un pacte d’actionnaires ». Même son de cloche à la Société Générale. « Si cette pratique est systématique dans le réseau, il ne faut pas de mise sous tutelle du franchisé. S’il s’agit pour le franchiseur de « recruter » un bon candidat qui n’a pas encore l’assise financière suffisante pour se lancer, alors cela peut être envisageable », argumente Thomas Meli. « Le franchisé doit veiller à ce que la tête de réseau ne mène aucun acte de gestion dans sa société. La sortie du capital calendrier, conditions financières doit également être définie à l’avance », insiste Nathalie Dubiez de Franchise Management. Ne perdez jamais de vue que la franchise est un partenariat entre des sociétés juridiquement et financièrement indépendantes. - Comment augmenter votre mise de départ?
Pour doper votre apport personnel, des financements complémentaires sont possibles tels que :
Le « Love Money » familial. Faites le tour de votre entourage proche afin de lever quelques milliers d’euros. Attention à bien préciser les conditions de remboursement de la dette.
Le prêt d’honneur. Ces crédits à taux zéro et sans garanties sont accordés par les réseaux d’aide à la création d’entreprise comme Initiative France, Réseau Entreprendre, Adie ou France Active. Selon les structures, les montants sont compris entre 2 000 et 50 000 euros et peuvent faire l’objet d’un différé de remboursement. Assimilé aux fonds propres par les banques, un prêt d’honneur sert d’effet de levier pour obtenir un concours bancaire.
Le prêt à la création d’entreprise (PCE). Oscillant entre 2 000 et 7 000 euros, adossé à un crédit bancaire, il sert à financer la trésorerie de départ, les investissements immatériels (frais commerciaux, publicité). Béatrice Dumontier, première franchisée du réseau Repar’stores a bénéficié d’un PCE de 6 000 euros : « Le report des mensualités de remboursement de six mois a facilité le lancement de mon activité », témoigne-t-elle. Mais attention, la disparition du PCE est programmée par Bercy…
Le recours à des investisseurs extérieurs ou au crowdfunding. Lever des fonds auprès de Business Angels (des particuliers investisseurs) ou de fonds d’investissement en ouvrant son capital est possible mais rare dans la franchise. Les fonds s’intéressent plutôt au développement de jeunes réseaux (au niveau du franchiseur). Il existe des intervenants comme Franchise Finance qui prêtent main-forte à quelques franchisés. « Cela reste confidentiel. Je crois, en revanche, davantage aux levées de fonds mobilisant des financements locaux. Par exemple, le service de crowdfunding « Drop Capital » de la société Facetoface Franchise », détaille Nathalie Dubiez. Drop Capital propose aux candidats à la franchise de consolider leur apport personnel en faisant appel à des particuliers de leur future zone de chalandise. La nouvelle réglementation relative au financement participatif (crowfunding) permet désormais à des particuliers de prêter jusqu’à 1 000 euros dans le cadre d’un prêt avec intérêts et jusqu’à 4 000 euros pour un prêt sans intérêt à des entreprises. Les plateformes dédiées (prêts ou prises de participation en capital) se multiplient (Anaxago.com, Lendopolis.com, Sparkup.fr, Ulule.com, Unilend.fr, Zentreprendre.com, Wiseed.com…) et Bpifrance a créé un portail destiné à rapprocher porteurs de projets et crowdfunders. A consulter sur : Tousnosprojets.bpifrance.fr.
Financer sa franchise
Les atouts de la microfranchise
Financement : les franchisés bien lotis
La marche à suivre pour racheter une franchise existante
- Quel statut juridique choisir?
Il existe plusieurs types de statuts juridiques pour créer sa société franchisée, mais tous ne sont pas adaptés aux financements que vous aurez à mobiliser. En optant pour une entreprise individuelle (EI ou EIRL), vous ne pourrez ni vous associer ni lever des fonds. Les financiers ne sont pas fans de ce type de statut car les risques sont jugés plus élevés. L’option « société », avec une société anonyme à responsabilité limitée (SARL) ou une société par actions simplifiée (SAS), vous permet, en revanche, d’accueillir un ou plusieurs associés, d’augmenter la capacité de financement de l’entreprise, et de faire appel à des investisseurs extérieurs. Pour décider, prenez conseil auprès d’un expert-comptable ou d’un réseau d’accompagnement à la création d’entreprise : BGE ou les CCI.
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